Une étude menée en 2010 auprès des inspecteurs du travail a démontré le rôle joué par une dynamique collective au service de la résolution de situations de travail difficiles. Qu’il s’agisse de risques psychosociaux ou physiques, la prévention des risques professionnels passe bel et bien par la synergie entre collègues de travail, membres de la hiérarchie, acteurs de la préventions, et formateurs externes.
Une expérience révélatrice de l’influence du collectif
La question de la prise en charge des risques psychosociaux par l’entreprise a mené la Direction régionale du travail et de la formation professionnelle d’Île-de-France à faire la commande d’un projet exploratoire. Celui-ci, organisé par le Centre de recherche sur le travail et le développement, a permis une évolution notable dans l’analyse de la question de départ. C’est ainsi que l’intervention a permis d’évoluer d’une problématique de formation des agents de contrôle, à une réflexion sur le rôle du collectif dans la prévention des risques professionnels psychosociaux.
Développer la responsabilité collective au travail
La méthode des instructions au sosie* a permis au groupe de recherche d’analyser le rôle concret du collectif au travail dans la résolution de situations professionnelles problématiques. Dans le cadre de ce projet précis, ce sont les difficultés des inspecteurs du travail confrontés aux dossiers complexes et volumineux qui ont été explorées.
*Un agent de contrôle devait transmettre ces instructions à un membre de l’équipe de recherche, comme s’il s’agissait d’un collègue de travail. Cette transmission réalisée devant le groupe devait ensuite être analysée par les autres agents, pour en souligner notamment les difficultés.
Il s’est avéré que l’accumulation de ces dossiers difficiles contribuaient au développement de sentiments négatifs au travail : insatisfaction, culpabilité, dévalorisation, perte de confiance, etc. Plus ces dossiers traînent, et plus leur « charge mentale » s’alourdit : les professionnels finissent par ne plus penser qu’à cela !
Or, que nous apprend cette expérience ? Dans la plupart des cas, le fait de partager ses difficultés avec ses collègues, de demander conseil, voire une assistance, permet d’alléger cette charge. Le rôle du collectif se dessine ici clairement. Car il ne s’agit pas seulement de partager la tâche complexe, mais d’en partager la responsabilité.
Une démarche de prévention des risques professionnels (ici, psychosociaux) viserait donc ainsi à décharger l’individu de la responsabilité de traiter, ou de ne pas traiter, tel ou tel dossier « poids-lourd ». Pour transmettre cette responsabilité au collectif de travail, qui résoudrait ainsi le dilemme avec des arguments de métier, et non plus des leviers individuels et personnels.
Travail collectif n’est pas toujours collectif de travail
Reste à savoir de quel collectif on parle dans ce cas précis. Pas toujours facile, en effet, de créer un collectif de travail à partir d’un ensemble d’individus ayant pour point commun de travailler pour la même entreprise !
La chercheuse et professeure en ergonomie Sandrine Caroly l’a mis au jour en travaillant sur les régulations individuelles et collectives des situations critiques dans les activités de service de La Poste. Si les guichetiers constituent bien une cible commune, « le fait de constituer une collection d’individus travaillant dans un même lieu ne suffit pas à constituer un travail collectif, encore faut-il compter sur les régulations collectives des exigences de travail face aux épreuves du réel ». En clair : il faut aussi pouvoir échanger sur des problèmes individuels mais vécus collectivement, à l’instar du fameux dossier que l’on répugne à traiter.
Le collectif, une ressource dans la prévention des risques professionnels
On considère souvent les apports du collectif comme bénéfiques lorsqu’ils permettent à chacun de respecter les règles et bonnes pratiques de l’entreprise. Toutefois, ses avantages sont tout aussi concrets lorsqu’il permet d’inventer de nouvelles solutions. En particulier face à des situations de travail qui continuent de poser problème, année après année, malgré de multiples tentatives de résolution.
Yves Clot, chercheur et professeur de psychologie du travail au CNAM, pose comme condition à cette inventivité du collectif une « production psychologique de « liberté d’esprit » toujours menacée de paralysie ».
Ainsi, le collectif, lorsqu’il s’organise dans un objectif commun de développer des ressources inédites, devient un levier de progrès dans la résolution des risques au travail.
Comment organiser un collectif de prévention dans l’entreprise
S’il peut s’avérer difficile à convoquer ou à créer de toutes pièces, le collectif de travail, en prévention des risques professionnels, bénéficie des évolutions successives dans le code du travail, autant que dans les mentalités.
Les personnes ressources au sein de l’entreprise
L’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) fait ainsi le point sur la répartition des rôles entre membres de l’entreprise et instances extérieures. Chacun peut ainsi faire avancer la question de la prévention des risques professionnels :
- L’employeur, bien entendu, ainsi que le salarié désigné comme compétent en la matière, qu’il soit acteur PRAP ou animateur prévention.
- Les représentants du personnel : membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou délégués du personnel.
- Le personnel d’encadrement et les responsables techniques (les managers ou responsables d’équipes).
- Les personnes dédiées à des fonctions particulières en matière de sécurité et de santé au travail (personne compétente en radioprotection, conseiller à la prévention hyperbare, assistant de prévention dans la fonction publique territoriale, etc.) et celles qui contribuent à l’organisation des secours (sauveteur secouriste du travail, équipier de première intervention, équipier de seconde intervention, etc.).
- Les RH.
- Les salariés.
Hors de l’entreprise, qui peut intervenir dans la construction de votre démarche de prévention des risques professionnels ?
Il existe également des services autonomes ou interentreprises, consacrés à la santé au travail, peuvent soutenir le dirigeant. Cette équipe est pluridisciplinaire. Elle se compose généralement d’un médecin du travail animateur d’équipe, assisté d’autres médecins du travail, d’infirmiers et d’intervenants en prévention des risques professionnels.
De plus, l’employeur peut solliciter des ressources externes à l’entreprise :
- CARSAT (caisses d’assurance retraite et de la santé au travail), ANACT, OPPBTP ;
- intervenants en prévention des risques professionnels (IRPP) indépendants ;
- organismes qualifiés, accrédités ou agréés chargés de procéder à des analyses ou des vérifications au sein de l’entreprise.
Vous souhaitez débuter une démarche collective de prévention des risques professionnels, adaptée à vos problématiques de métier ? Dos Majeur peut vous accompagner en vous proposant des actions de sensibilisation ou de formation, ainsi que des accompagnements pour favoriser l’intelligence collective.